"Le soleil, ça nous allait bien, c'est ce qui fait mûrir nos vins toute l'année, alors pourquoi pas pour les rafraîchir", explique Laurent Dal'zovo, directeur technique du Groupement Interproducteurs du cru de Banyuls.
Après une phase de maturation en fûts de chêne, les vins de Banyuls vieillissent en bouteille pendant deux, cinq, huit ans, voire plus pour les grands crus.
Les caves doivent rester fraîches pendant l'été torride sans être pour autant à température constante: les variations saisonnières sont indispensables pour obtenir les arômes de figue, noix, fruits rouges ou champignon des grands crus.
Le cahier des charges était complexe: un étage d'expédition à 20 degrés, un premier sous-sol à 16-18 degrés pour les vins à maturation rapide, et un deuxième sous-sol à 13 degrés (plus ou moins 2 degrés) pour les vins les plus fragiles.
Sur le toit de la cave, 131 m2 de panneaux solaires ultra-modernes assurent le rafraîchissement de 2 millions de bouteilles.
La lumière solaire est transformée en chaleur dans les panneaux sous vide, chauffant de l'eau à 95 degrés. L'eau chaude est acheminée au deuxième sous-sol dans une machine qui produit par réaction chimique entre l'eau et le bromure de lithium de l'eau ... glacée. Celle-ci alimente une centrale de ventilation à chaque étage. La cave, à demi enterrée, conserve la fraîcheur.
Pas de bruit, pas d'émission de gaz à effet de serre (contrairement aux "clim" classiques à compresseur), et 40% d'économie d'électricité: le système, deux fois plus coûteux au départ qu'une climatisation classique, est largement amorti depuis douze ans.
Pourtant, la climatisation solaire a fait peu d'émules. Le prix élevé des panneaux solaires sous vide et plusieurs échecs ont freiné les ardeurs. "Nous avons travaillé ces échecs pour simplifier au maximum l'installation de Banyuls, c'est de la plomberie de base", explique André Joffre, pdg du bureau d'étude Tecsol qui a conçu l'installation.
"Le solaire figure parmi les pistes les plus intéressantes pour la climatisation", estime Jean-Louis Bal, directeur des énergies renouvelables à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
L'Ademe prépare pour le début de l'année un plan "Confort d'été" à la demande du gouvernement, après la canicule meurtrière du mois d'août.
Le constat est alarmant: la canicule a fait bondir la demande d'appareils de climatisation. Or, la climatisation classique est un désastre pour l'environnement: les fluides frigorigènes à base d'hydrofluorocarbones (HFC) ont un pouvoir de réchauffement 1.300 fois plus élevé que celui du CO2, le plus connu des gaz responsables du changement climatique.
On risque d'entrer dans un cercle infernal: la canicule stimule l'achat de matériels qui émettent les gaz les plus nocifs pour le changement climatique, provoquant en retour davantage de canicules...
Selon l'Ademe, le solaire offre une alternative crédible à deux conditions: une baisse des coûts, et un travail de recherche pour miniaturiser les appareils, trop massifs pour les particuliers.
Mais dès aujourd'hui, la climatisation solaire, silencieuse, non polluante, peut fournir une solution adaptée aux besoins des cliniques et maisons de retraite, selon André Joffre. En Allemagne, les patients de la clinique Universitaire de Fribourg sont déjà rafraîchis au solaire. |